La Pissaladière

Publié le 25 mars 2025 à 16:22

Difficulté : Plutôt facile

Réalisation : Assez longue

Quantités : Pour 6 à 8 personnes en entrée, pour 3 à 4 en plat avec de la salade.


La pissaladière, c'est ce plat de vacances sur la Côte d'Azur qu'on associe souvent au soleil et à l'été. Pourtant, c'est un excellent plat d'hiver ou, comme maintenant, de début du printemps puisque les ingrédients sont en effet trouvables localement toute l'année.

 

Quant à ses origines, autant dire que c'est un joyeux bazar, mais on a heureusement quelques pistes.

On évoque régulièrement sur internet une mention écrite du plat au XIXème siècle; si je veux bien le croire, je ne parviens pas à en retrouver une quelconque trace. Certains vont même témérairement jusqu'à avancer une origine précise de la tarte aux oignons et anchois en 879 (coucou Wikipédia en anglais !) ou font remonter la recette à l'Antiquité. Si la version de 879 semble absurde car sourcée par un livre qui retrace l'Histoire de Nice en expliquant que les sarrasins y apportent du maïs au VIIIème siècle (sans commentaire), la version qui donne une semi origine à l'Antiquité n'est pas aussi stupide qu'elle en a l'air.

Oui, je sais, je donne tort à la version médiévale et à moitié raison a la version antique, ça à l'air incohérent, mais laissez moi finir, que diable ! Et tenez-vous droit, on est pas chez votre mère ici. Non mais, je vous jure...De quoi on parlait déjà ?

Ah oui, donc, la version antique. En fait, il n'y a pas de version antique mais, mais il y a bien une possible version antique qui s'est peut-être ensuite perdue pendant le Moyen-Âge. En effet, il existe sur une assez large partie de la Méditerranée des sauces, extraits, saumures et autres concentrés de poissons macérés depuis au moins le Ier siècle de notre ère. Les romains l'appelaient "garum", "muria" ou "liquamen" et il était utilisé dans de très nombreuses recettes dont le poulet à la parthe. Il persiste au Maghreb pendant la première partie du Moyen-Âge sous le nom de "murrî" (donc possiblement en 879 en Provence mais il faudrait des sources pour affirmer ça) mais il perd largement en influence dans le reste du bassin méditerranéen, avec quelques rares rescapés. Rescapés dont le colitura di alici italien ou le "peis salat" provençal. Et c'est ce peis salat que les provençaux de l'Antiquité voir du Moyen-Âge auraient pu étaler sur du pain plat en repas ou collation comme ancêtre de la pissaladière. 

 

Le peis salat, ou pissalat dans notre langue, était traditionnellement un mélange de poutine (rien a voir avec le plat québécois, ce sont des alevins de sardines) et d'anchois avec des épices comme de la girofle ou de la cannelle. Le tout fermentait plusieurs mois et formait une pâte qu'on étalait traditionnellement sur du pain et qui a ensuite donné son nom à la tarte salée aux oignons qu'est la pissaladière. Car oui, les pissaladières traditionnelles se faisaient avec cette pâte fermentée, et sans anchois ni éventuellement d'olives rajoutées sur le dessus. C'étaient simplement le pissalat et les oignons sur une pâte à pain. Les filets d'anchois sont arrivés récemment, alors que la production de pissalat périclitait et qu'on cherchait à mettre le produit en valeur pour le tourisme. Les olives, elles, sembles avoir été rajoutées en fonction des régions et des envies. Mais les deux sont quasiment indissociable de la pissaladière d'aujourd'hui, surtout quand on ne trouve plus ou très difficilement du pissalat à l'ancienne. La recette en source tente de reproduire une sorte de pâte d'anchois pour remplacer le pissalat et c'est une très bonne idée je trouve.

Et oui, c'est bien une pâte à pain, comme pour la pizza, la foccacia ou la fougasse qui est utilisée, alors que de nombreuses recette depuis un moment utilisent une pâte brisée. Autant j'ai déjà mangé une excellente pissaladière avec pâte brisée dont les anchois avaient été dessalés, autant je trouve que la pâte à pain s'y prête mieux puisqu'en gonflant elle va donner une bonne surface de pain à chaque bouchée qui va effacer en quelque sorte le sel et le goût très prononcé de l'anchois et équilibrer le tout. C'est plus traditionnel et ça évite de devoir dessaler les anchois. C'est aussi pour ça que j'utilise, contrairement à la recette en source, des anchois à l'huile et non au sel. Non seulement on va pouvoir utiliser l'huile du bocal pour faire compoter les oignons et faire la pâte d'anchois, mais en plus elles sont un peu moins salées que celles conservées dans le sel.
Et même si la pissaladière peut se manger froide quand la pâte est au beurre, je conseille tout de même de manger celle-là tiède ou réchauffée.

 

 

 

C'est d'ailleurs un peu le même principe pour faire la pâte de cette pissaladière qu'avec la pâte à pizza napolitaine, et avec un peu moins de travail que cette dernière en prime. Et en parlant de ça, une autre origine souvent donnée à la pissaladière est la pizza. On dit que la pissaladière viendrait de Ligure, en Italie, plus précisément d'une spécialité appelée "pizza all'Andrea", ou "pissalandrea". Cette dernière, soi-disant met préféré du héros national Andrea Doria entre le XVème et le XVIème siècle, serait plus ancienne que la pizza napolitaine. Elle est aujourd'hui réalisée avec de la sauce tomate mais elle aurait existé avant la découverte des Amériques et était composée de pain sur lequel était placé, attention : de l'huile d'olive, de l'ail et de l'anchois. Pas d'oignon ni de pâte fermenté, et des anchois alors que les premières pissaladière n'en comportaient pas. Autant dire que je ne suis que peu convaincu.
Certains s'acharnent à y trouver une origine du nom lui même, "pissalandrea" ayant alors donné "pissaladière". Si la déformation de pizza au début du mot fait douter, un linguiste a démontré que les deux mots n'avaient pas de rapport. Pissaladière est issu comme nous l'avons vu de "peis salat", qui veut dire "poisson salé" depuis le latin puis le provençal alors que pizza se rapproche probablement d'avantage de "pitta" pour "pain" depuis le grec ancien. 

Pour contre-attaquer, les niçois rétorquent régulièrement que c'est la pissaladière qui est carrément à l'origine de la pizza. C'est tout aussi invérifiable et erroné. Comme on en a déjà parlé ici, la pizza est à la base au Moyen-Âge tardif un simple pain non garni. Il est agrémenté à l'envie ce qu'on a sous la main et, pour les régions côtières principalement, de petits poissons pas chers, comme des anchois ou des petites sardines. Alors avoir des anchois ou de la pâte d'anchois sur du pain, ce n'est vraiment pas d'une originalité telle que quelqu'un puisse revendiquer la paternité du plat...

En tout cas une chose est sûr, pour qui aime aime les anchois, la pissaladière est une vraie petite merveille, notamment en terme de saveurs. Anecdote amusante mais lorsque ma dernière fournée était en train de cuire, ma compagne aurait juré que "du pain à la tomate" ou une pizza classique était au four. En fait, je suppose que l'umami de l'anchois mélangé au sucre des oignons (sans compter le mariage avec l'origan bien sûr) ont recréé en terme de saveurs ce qu'elle attribuait à l'umami et au sucré de la tomate. Et on parle de quelqu'un qui ne supporte pas l'iode et l'odeur du poisson, c'est à dire à quel point c'était un tour de magie ! Bon, après en terme de goût, l'anchois est bien là hein, donc pas la peine de forcer les anti poisson à en manger, ça ne fonctionnera pas.


Ingrédients

  • 500g de farine
  • 30cl d’eau tiède
  • 5g de levure boulangère à réactiver
  • 1 pincée de sel
  • 3 càs d’huile d’olive
  • 2 càc d’origan séché
  • 1kg d'oignons jaunes pesés avec la peau
  • Environ 50 filets d'anchois à l'huile (deux petits bocaux à peu près, ou un gros)
  • (Optionnel) 1 càs de "colitura di alici"
  • 2 càs de thym séché
  • 2 autres càs d'origan séché
  • Environ 20 petites olives noires (niçoises de préférence comme des caillettes, sinon de Nyons, c'est plus facile à trouver par chez moi)

Réalisation

  1. Mélanger la levure à l'eau tiède d'un côté et de l'autre la farine, le sel, l'huile d'olive et 2 càc d'origan.

  2. Après une dizaine de minute, le temps que la levure s'active, mélanger tous les ingrédient de la pâte avec un robot. Si le mélange est à la main, ne pas mettre l'huile dans la pâte mais plutôt sur les mains et le pâton pour le pétrir pendant 5 minutes sans arrêt. 

  3. Laisser reposer la pâte dans un contenant hermétique jusqu'à ce qu'elle double voire triple de volume. 

  4. Éplucher et tailler les oignons en macédoine. Les faire revenir dans un fond d'huile des anchois, avec 6 filets d'anchois et lenreste d'origan ainsi que le thym, à feu doux pendant une demie-heure. Remuer de temps en temps et en surveillant pour éviter qu'ils accrochent ou qu'ils colorent.
  5. Au bout de 30 minutes, étaler la pâte levée sur une grande plaque de cuisson généreusement huilée ou une lèche frite. Recouvrir d'un torchon.
  6. Mixer 10 filets d'anchois avec 2 càs des oignons cuits et 1 càs de l'huile des anchois jusqu'a obtenir une pâte.
  7. Étaler le résultat sur toute la surface de la pâte en hésitant pas à bien la répandre.
  8. Préchauffer le four à 230 degrés, couper le feu sous la casserole d'oignons et les répandre encore chauds sur tout la surface de la pâte.
  9. Décorer avec une trentaine de filets d'anchois et avec les olives. Enfourner la pissaladière et baisser à 180 degrés.
  10. Vérifier la cuisson au bout de 15-20 minutes. Quand la pâte dore et qur les oignons caramélisent, sortir et laisser reposer 15 minutes avant de servir.

Bouan appetit en toutèi !

"Bon appétit à tous" en provençal


Source : L'excellente recette d'Anne-Sophie du site Fashion Cooking, avec un petit rajout de ma part. Une très bonne trouvaille. Pour son site de vente de matériel de cuisine par contre, je ne sais pas ce que ça vaut.

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