Difficulté : Facile
Quantités : pour 4 personnes avec accompagnement
Une de mes recettes favorites.
Ce n'est pas tant pour son goût - cependant délicieux - que pour son odeur que je l'adore. Un vrai tour de magie olfactif ! Prenez de la sauce de poisson fermentée bien puante, mélangez la à de la poudre d'une plante qui sent l'oeuf pourri et vous obtenez au four un parfum enivrant.
Si si, je vous jure !
Bon, les autres produits participent au parfum, c'est sûr. Mais croyez moi, si vous n'avez jamais essayé ce mélange, vous ratez quelque chose.
Alors, pourquoi "poulet à la parthe" ?
Cette recette vient de De Re Coquinaria, un recueil de livres de recettes attribués à Marcus Gavius Apicius qui aurait vécu au Ier siècle de notre ère. La rédaction des livres daterait cependant plutôt du IVème siècle et rien ne prouve l'implication même lointaine d'Apicius.
C'est en tout cas une recette issue de l'Empire Romain d'Occident. Son nom lui vient très probablement de l'utilisation d'une plante typique des régions iraniennes, la férule qui donne l'ase fétide, ou asa-foetida. Grossièrement, asa = gomme-résine et foetida...bon, vous avez deviné. Or, ces regions ont été contrôlées jusqu'au milieu du IIIème siècle par l'Empire Parthe, d'où le nom du plat. Les autres ingrédients sont eux tout ce qu'il y a de plus romain.
Au sujet de ces ingrédients
Le liquamen était grosso modo la substance filtrée du garum. Le garum, lui, était une décomposition de poissons et/ou fruits de mer (principalement des anchois) dans le sel, qui éloignait les bactéries. Le tout donne un composant salé et umami très intéressant. Alors qu'il était présent partout dans absolument tout l'empire, il a progressivement cessé d'être utilisé au Moyen-Âge en Europe puis en Afrique. Il est tout de même toujours produit en Italie sous le nom de collitura di allicci (trouvable sur internet). De leur côté, les pays sud-asiatiques n'ont jamais cessé de l'utiliser et les meilleurs nam pla thailandais ou nuoc mam vietnamiens sont encore probablement tres proche de leurs ancêtres (trouvables en supermarché ou en epiceries asiatiques).
L'ase fétide (trouvable sur internet) est encore utilisée aujourd'hui, quelquefois dans la cuisine indienne et plus souvent dans la cuisine ayurvédique, sous le nom de "hing". Son odeur se transforme à la cuisson en passant de l'oeuf pourri à l'oignon grillé avec des notes plus complexes. Attention a ne pas tout de même en mettre plus d'une cuillère à café sous peine de donner au plat un goût désagréable.
Le carvi (trouvable au supermarché ou en epicerie) est un cousin du cumin. Il lui ressemble beaucoup mais son odeur et son goût sont très différents. Il plus floral et moins puissant, avec des nuances de fenouil sucré. En l'absence de carvi, on peut tout à fait le remplacer par du cumin en même quantité. Le résultat final sera différent mais tout sauf désagréable.
Le poivre long (trouvable en épicerie ou sur internet) est souvent utilisé sans distinction avec le poivre noir dans les textes romains. Il est cependant plus doux, avec un piquant plus anesthesiant se rapprochant un peu de la baie de sichuan et developpant des notes de canelle. Vous pouvez le remplacer par le poivre noir mais il faudra alors en baisser la quantité (ou assumer le piquant supplémentaire).
La livèche (trouvable avec de la chance sur les marchés, sinon à faire pousser) est une cousine du céleri. Cette recette est une véritable cousinade, décidément. Leurs goûts sont proches mais celui de la livèche est plus prononcé. Si vous devez remplacer par du céleri, passez de une a deux cuillères à soupe. Et pour les jardiniers maladroits, sachez que la livèche est appelée "celeri perpétuel" car elle est réputée bien plus resistante. Moi ? Oh, mon pied de livèche est mort, pourquoi ?
Le vin devra preferentiellement être rouge, autant pour l'aspect que pour la saveur. On cherche ici un certain goût tannique.
Le poulet, enfin lui, devra faire entre 1,5 et 2kg pour bien tirer parti des quantités des autres ingrédients. Sinon il faudra adapter en fonction.
Ingrédients
- 1 poulet (entre 1,5 et 2kg)
- 1 càs de poivre long (ou 1 càs de poivre noir)
- 1 càs de livèche (ou 2 càs de céleri frais ciselé)
- 1 càs de carvi (ou la même quantité de cumin)
- 3 càs de liquamen (Du Colatura di Alici ou de la sauce nuoc mam 100% poisson et sel)
- 200ml de vin rouge
- 1 càc d'ase fetide en poudre
Préparation
- Commencer par faire préchauffer le four à 230 degrés chaleur tournante.
- Pendant que ça chauffe, découper le poulet en crapaudine (On le met sur le ventre, on retire la colonne vertébrale avec un couteau ou des sciseaux à viande en le soulevant par le croupion puis on le retourne et on l'écarte dans le plat de cuisson. On oublie pas de coincer le bout des ailes sous la carcasse pour éviter qu'ils crament).
- Pilonner le poivre et le carvi dans un mortier (pas besoin de faire une poudre fine, assez grossièrement ça suffira).
- Émincer les feuilles de livèches et les ajouter aux epices.
- Mouiller le tout avec le vin puis rajouter l'ase fétide. (Dans le De Re Coquinaria, ils diluent l'ase fetide dans de l'eau tiède parce qu'il est sous forme de gomme, mais pas besoin avec la poudre).
- Verser la sauce ainsi obtenue sur le poulet et mettre le tout au four pour 1h à 1h30 de cuisson. (Si besoin, rallonger le temps de cuisson ou baisser la puissance du four; mais normalement ça devrait aller et la peau devrait être croustillante sans nécessairement préparer le poulet à l'avance).
Bene sapiat !
Pour profiter de l'expérience au maximum :
Respirez un bon coup la puanteur de la sauce poisson et de l'ase fétide lors de la préparation, puis restez dans le coin lors de la cuisson du poulet. Vous allez voir, de la magie je vous dit !
Source : Tasting History with Max Miller, un de mes vidéastes preférés. C'est de l'anglais mais sous titré en français si vous avez besoin. J'ai un peu retouché la recette.
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