Karēraisu, カレーライス

Publié le 9 décembre 2024 à 07:50

Difficulté : Intermédiaire 

Quantités : Pour 6 personnes


Le karēraisu n'est clairement pas le type de plats que vous trouverez dans votre resto japonais de quartier. En vérité, il y a peu de chance que vous trouviez beaucoup de plats japonais dans votre resto japonais de quartier. Sauf si vous habitez rue Saint-Anne à Paris ou que votre resto fait quelques efforts, ce qui commence à être le cas ces derniers temps. Celui près de chez moi s'est mis à proposer des okonomiyaki et de l'unadon, ce qui est plutôt cool.

 

Bref, le karēraisu donc, comme son nom l'indique, est un curry au riz. Comme beaucoup de plats issus de la cuisine Yōshoku,  à savoir les plats inspirés de l'Occident, son nom emprunte à l'anglais et laisse la prononciation japonaise faite le reste. Et oui, "karēraisu" n'est ni plus ni moins que la manière très japonaise de prononcer "curry rice".

Bon, vous me direz, comme plat issu de l'Occident, je veux bien que l'Inde soit bien à l'Ouest du Japon mais de là à mettre la cuisine indienne dans le même panier que la cuisine européenne, c'est bizarre, non ?

 

Et bien pas tant que ça.

 

L'adoption du curry comme plat japonais est mine de rien assez ancienne. On en retrouve des traces datant de la deuxième moitié du XIXème siècle. À cette époque, le sous-continent indien est encore largement occupé par la Compagnies des Indes Orientales anglaise. Le japon, lui, vient de sortir du Sakoku, la période d'"isolationisme" du pays. Je met des gros guillemets à "isolationisme" parce que c'est une manière de voir les choses très occidentale. En effet, à cette époque le pays entretient encore d'importantes relations commerciales avec ses voisins, notamment la Chine. Les hollandais y avaient aussi un petit comptoir commercial. Le pays refusait simplement de se laisser exploiter commercialement par la France et l'Angleterre comme ce qui se faisait avec les pays alentours. Alors qualifier ça d'isolationisme, c'est un peu gonflé. Plus tard, les États-Unis ont trouvé ça inadmissible et ont fait sortir le pays de son isolement à grands coups de démonstration d'arsenal militaire. Charmant...

Toujours est-il que les japonais se retrouvent alors à commercer principalement avec les anglais qui avaient déjà adopté les massala indiens qu'ils appelaient curry. Pour les japonais de cette époque, le curry est donc anglais, ou en tout cas occidental,  et c'est ainsi qu'il se retrouve classé en cuisine Yōshoku. Ils n'étaient pas vraiment à côté de la plaque quand on connait l'origine du tikka massala.

Il va être d'abord être adopté par la marine japonaise qui l'utilisera notamment pour lutter contre le beriberi, une maladie dûe au manque de vitamine B1 et liée ici à la consommation exclusive de riz blanc et de certains poissons crus. A part la marine, sa consommation ne sera qu'anecdotique avant 1960, où les developpements de poudre de curry puis de tablettes de roux de curry instantanés vont le rendre plus facile à réaliser et très populaire.

 

Le karē, c'est un plat familial par excellence qu'on prépare quand on peut se payer de la viande, plutôt chère au Japon. Il est consommé bien plus fréquemment là bas que les sushis et les tempuras.

Fidèle à l'esprit du curry, on peut y mettre différentes protéines mais les plus répandues sont la viande de bœuf du côté d'Osaka, la viande de porc à Tokyo mais également le poulet. C'est un plat qui se décline beaucoup, comme le montrent le katsu karē, servi sur un tonkatsu, le karēpan, une sorte de pain au curry, ou encore le karē udon, avec un dashi et des nouilles épaisses.

Comme les familles cuisinent souvent à base de blocs de roux de curry tout prêts, il y ajoutent souvent ce qu'ils appellent kakushi-mi, 隠し味, un "ingrédient secret". Les plus répandus sont le ketchup, la pomme fuji ou la poire nashi râpées, le miel, le café instantané ou encore le chocolat. Pour avoir un peu tout essayé, j'ai du mal avec le café, difficile à contrebalancer (pour moi en tout cas), mais les autres fonctionnent très bien. Je suis particulièrement fan du chocolat qui va assombrir le curry et lui donner une complexité très intéressante,  un peu comme avec le mole poblano.

Et histoire de rajouter encore de la diversité, on peut le servir comme tel avec le riz mais aussi avec des oeufs durs, de la cébette ou encore du fukujinzuke ou du rakkyō, deux condiments aigre-doux de légumes marinés dans la sauce soja qui apportent vraiment un plus au plat si vous arrivez à en trouver.

 

Pour le moment, on va rester sur la version originelle avec le riz, et plus bas il y aura deux recettes. Une relativement facile et rapide à faire et une autre un peu plus complexe et longue. 

La première est un karē clair à base de poulet et de blocs de roux de curry tout prêts trouvables en épicerie asiatique. On va y ajouter du ketchup et de la pomme fuji. Pour les blocs de roux, il y a trois niveaux de piquant. Intermédiaire c'est bien pour commencer mais pour les enfants ou les gens qui ne supportent pas le piment comme ma compagne, il faudra prendre doux. Pour ceux qui apprécient même un peu le piment, n'ayez pas peur de passer à la catégorie supérieure. La sensation de brûlure est là mais rien de comparable à certains plats thaïlandais ou mexicains, et la saveur supplémentaire en vaut la peine je trouve.

La seconde est un karē plus foncé à base de bœuf et avec des roux de curry faits maison, avec une poudre d'épices qu'on appelle karēko. Il sera au moins deux à trois fois plus long à réaliser et demande surtout une préparation la veille, mais si vous prenez le temps, il peut clairement valoir le coup. Rien que la cuisson du boeuf vous prendra 3 ou 4 heures, et les blocs fait maison n'arrangent rien. Mais ça à toujours meilleur goût quand on contrôle tous les ingrédients et le jour même c'est un poil plus rapide que l'autre méthode.

Bien évidemment,  vous pouvez faire un mix des deux en gardant les roux en tablettes et la viande de boeuf, et n'importe quel ingrédients secret. C'est le genre de recettes où il ne faut pas avoir peur d'expérimenter. 

 

En source il y aura plusieurs sites et je rajouterai aussi une vidéo d'une recette qui décline le karēraisu en essayant de reproduire un plat iconique du manga Naruto très intéressante gustativement, quand on a pas peur du piment.


Ingrédients version "express"

  • 1 kg de hauts de cuisse de poulet
  • 3 carottes 
  • 3 patates
  • oignons
  • gousses d'ail
  • belle tranche de 1 cm de gingembre
  • 110 g de tablettes de curry roux japonais
  • 1 càs de sauce soja
  • 1 càc de vinaigre de riz
  • 2 càs de ketchup
  • pomme Fuji ou Pink Lady
  • 400 g de riz japonais "à sushi"
  • Du sel
  • Du poivre
  • De l'huile neutre

Réalisation version "express"

Bon, je dis version "express" mais ne vous attendez pas à la réaliser en moins de 30 à 45 minutes hein. 

  1. Désosser les hauts de cuisse et les découper en grosses bouchées. Émincer les oignons. 

  2. Faire chauffer une cocotte à feu vif jusqu'à dépasser les 200° celsius ou que le fond fume légèrement. Ajouter l'huile et les morceaux de viande et les saisir de chaque côté.

  3. Une fois le poulet bien doré, le retirer et réserver. Baisser le feu à moyen, déglacer si besoin avec un peu de sake ou d'eau et y faire blondir les oignons.

  4. Râper pendant ce temps l'ail et le gingembre et les ajouter aux oignons. Une fois que les odeurs d'ail et de gingembre se dégagent, ajouter le restant d'eau.

  5. Éplucher puis découper les carottes et les patates en "rangiri", c'est à dire qu'on taille en biseau puis on tourne la carotte ou le morceau de patate à 90° et on coupe de nouveau en biseau. On recommence jusqu'à épuisement des ingrédients (chercher "rangiri" sur google image dans le doute). Les ajouter à la marmite avec la viande puis couvrir.

  6. Lancer la cuisson du riz dans deux fois son volume d'eau.

  7. Prendre une louche de bouillon et, dans un bol, y diluer le roux de curry en remuant. Quand le roux est totalement dilué, l'ajouter a la marmite.

  8. Éplucher la pomme et la râper ou la découper en brunoise. L'ajouter à la marmite avec le ketchup, le vinaigre de riz et la sauce soja. Mélanger.

  9. Une fois les carottes cuites à cœur, couper le feu. Servir dans une assiette creuse à côté du riz, en ajoutant au choix des oeufs durs, des cébettes ciselées ou des légumes marinés.

Ingrédients version longue

  • 1 kg de viande bœuf à mijoter
  • 3 carottes 
  • 3 patates
  • 3 oignons
  • 3 gousses d'ail
  • 1 belle tranche de 1 cm de ggingembre
  • 1 càs de sauce soja
  • 1 càs de vinaigre de riz
  • 2 càs de miel
  • 15 g de chocolat noir à au moins 60%
  • 400 g de riz japonais "à sushi"
  • 50 g de beurre doux
  • 50 g de farine
  • Du sel
  • Du poivre
  • De l'huile neutre

Pour le karēko

  • 1 càs de curcuma en poudre
  • 1 càc de graines de cumin
  • 1 càc de graines de coriandre
  • 1 càc de peau de mandarine séchée
  • ½ càc de fenugrec
  • ½ càc de fenouil
  • 1 càc de piment fort en poudre
  • ½ càc d’ail en poudre
  • ½ càc de gingembre en poudre
  • 2 grains de piment de la Jamaïque
  • 3 gousses de cardamome
  • 3 clous de girofle
  • 1 étoile de badiane 
  • ½ càc de cannelle en poudre
  • 2 feuilles de sauge séchée
  • ½ càc de thym
  • ¼ de noix de muscade râpée
  • 6 grains de poivre noir
  • 1 feuille de laurier

Réalisation version longue

La veille :

  1.  Découper le bœuf en gros morceaux.

  2. Faire chauffer une cocotte à feu vif jusqu'à dépasser les 200° Celsius ou que le fond fume légèrement. Ajouter l'huile et les morceaux de viande et les saisir de chaque côté.

  3. Une fois le bœuf bien doré, le retirer et réserver. Déglacer à l'eau et baisser à feu très doux. Y remettre la viande, recouvrir d'eau et laisser mijoter pendant 4 heures.

  4. Découper la feuille de laurier en petits morceaux, l'ajouter aux épices entières et réduire en poudre au mortier ou, mieux, au moulin à épices. Y ajouter les épices en poudre.

  5. Dans une casserole à feu moyen, faire fondre le beurre. Y ajouter la farine et remuer sans cesse jusqu'à ce qu'elle brunisse. Attention a ne pas brûler le fond, réduire le feu et ajouter une pointe d'eau si besoin. Y ajouter les épices, bien mélanger et couper le feu. Placer la préparation dans un récipient large hermétique et mettre au frigo toute la nuit. Faire de même avec le bœuf cuit dans son bouillon.


Le jour même :

  1. Dégraisser le bouillon de bœuf et garder la graisse. L'utiliser pour faire blondir les oignons. Completer avec de l'huile neutre si besoin.

  2. Râper pendant ce temps l'ail et le gingembre et les ajouter aux oignons. Une fois que les odeurs d'ail et de gingembre se dégagent, ajouter le bouillon de boeuf sans la viande.

  3. Éplucher puis découper les carottes et les patates en "rangiri", c'est à dire qu'on taille en biseau puis on tourne la carotte ou le morceau de patate à 90° et on coupe de nouveau en biseau. On recommence jusqu'à épuisement des ingrédients (chercher "rangiri" sur google image dans le doute). Les ajouter à la marmite puis couvrir.

  4. Lancer la cuisson du riz dans deux fois son volume d'eau.

  5. Prendre une louche de bouillon et, dans un bol, y diluer le roux de curry maison et le chocolat en remuant. Quand le roux et le chocolat sont totalement dilués, les ajouter a la marmite avec le miel, le vinaigre de riz et la sauce soja.

  6. Une fois les carottes cuites à cœur, couper le feu. Servir dans une assiette creuse à côté du riz, en ajoutant au choix des oeufs durs, des cébettes ciselées ou des légumes marinés.

Le curry de bœuf servi avec le œufs mollets et du fukujinzuke, en haut à gauche.


頂きます, Itadakimasu

C'est plus un remerciement général a tout ceux qui ont participé à l'élaboration du repas qu'un "bon appétit", si j'ai bien compris.


Sources : le site de Marc Winer, le site Peko Peko et le site Comme au Japon qui donnent chacun de très bons conseils.

En bonus, la vidéo de la chaîne Babish Culinary Universe pour le curry version Naruto.

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