Difficulté : Facile
Quantités : Pour 4 personnes
Quand j'ai découvert les restos japonais il y a 15 ans, le truc que je prenais tout le temps quand il était proposé c'était le chirashi.
Un grand bol de riz vinaigré avec du poisson cru dessus et un peu d'avocat. Je me disais que j'étais clairement gagnant niveau qualité prix...et je me trompais lourdement. Parce que quand on sait faire des sushis, on se rend vite compte que le chirashi c'est la version super simplifiée. Et autant vous dire que prendre ça au resto, c'est un peu se faire avoir au final.
En effet, si le sushi au Japon est vu généralement comme un art réservé a certains cuisinier et à consommation occasionnelle, le chirashi c'est typiquement ce qu'on prépare à la maison, en famille. Ça en fait une très bonne initiation à la préparation de sushis.
L'association du riz et du poisson y est très ancienne et a pris des formes très différentes.
Les premières traces qu'on puisse trouver étaient, vers le IIème siècle, une utilisation du riz fermenté salé pour conserver le poisson pendant parfois des mois - le narezushi encore consommé à Nara - et où on jetait le riz au moment de manger. On peut le comparer au gravlax scandinave. Autant vous dire qu'à l'époque, le riz étant récent dans la région et réservé aux classes aisées, le narezushi n'était pas un plat du pauvre. A la période Muromashi, au 14ème siècle, apparait une version où l'on enrobe le poisson cru de riz pour manger le tout frais, le namanare. Le chirashi, le nigiri et le maki n'arrive qu'à la période Edo, à partir du XVIIème siècle.
Le riz blanc reste longtemps au japon un aliment prisé et est comparable en Europe au pain blanc.
Tout comme ce dernier, la majorité de la population n'y a longtemps pas eu accès régulièrement et se contentait de céréales complètes ou moins chères. Le millet a ainsi longtemps été un aliment des couches sociales basses, présent et consommé sur l'archipel depuis l'Antiquité. C'est, comme en Europe, pendant l'industrialisation que le riz blanc va devenir plus accessible. Encore récemment, pendant les privations de la Seconde Guerre Mondiale, le riz blanc était souvent une denrée rare pour certaines personnes. Et le parallèle ne s'arrête pas là. De manière comparable à l'hostie chrétienne qui relie le pain au corps du Christ, les japonais bouddhistes ont appelé le riz vinaigré 舎利, "shari", ce qui peut se traduire depuis le sanskrit par "les restes du Bouddha" et qui est resté dans le langage pour désigner cette préparation. Quand on pense que le shari est un riz au vinaigre de riz, qu'on l'accompagne souvent d'alcool de riz et que le mot 御飯, "gohan" veut dire riz blanc cuit à l'eau et repas en règle générale, on comprend vite le cliché du japonais et de son bol de riz autant que le français et sa baguette. Quand je vous dis que les clichés en cuisine sont souvent assez proches de la vérité.
Oh, et tant que je suis sur le riz, vous verrez partout qu'il faut bien laver le riz pour retirer l'amidon, jusqu'à ce que l'eau soit claire, pour ne pas que le riz colle, tout ça tout ça. C'est faux. J'ai fais plusieurs essais, ça n'a jamais rien changé dans aucun des plats que je faisais à cuisson équivalente. En fait, ce qu'on retire en lavant le riz, c'est l'amidon des couches extérieures de la céréale. Celui qui fait coller le riz, c'est l'amidon à l'intérieur, et vous pouvez laver votre riz autant de fois que vous le souhaitez, il ne partira pas. Le truc, c'est de le cuire avec le bon volume d'eau, et sans le noyer comme on le fait souvent en occident. Après, si vous utilisez de gros sacs de riz à la maison, vous pouvez le laver une fois pour retirer les éventuelles impuretées.
Bon, on a notre shari, il nous faut notre neta.
Le 寿司ネタ, "sushi-neta', c'est la garniture qu'on ajoute au shari. C'était à la base toujours le poisson cru mais les garnitures admettent petit à petit des fruits de mer comme les crevettes ou les œufs de poisson, du thon cuit, de l'omelette (tamagoyaki) des légumes comme du takuan, du concombre ou plus récemment de l'avocat et encore plus récemment des inspirations californiennes ou coréennes comme de la viande grillée, de l'oignon frit ou du fromage frais. Bref, on peut y mettre ce qu'on veut tant que c'est sur du riz vinaigré. Par contre, pour le poisson, comme il est cru, on ne prend pas de risque et on le congèle plusieurs jours au frigo. Ça élimine la majorité des potentiels agents pathogènes. Perso, j'ai une préférence pour l'alliance saumon/thon et avocat avec des œufs de saumon. Les œufs de saumon sont d'ailleurs utilisés dans plusieurs autres plats japonais comme dans le kaisen oyakodon, un de mes petits favoris, ou encore dans des gunkan makizushi. Mais on en reparlera.
Ce n'est pas obligé mais pour alterner les poissons sans que le goût du saumon annihile celui du thon, j'aime (quand je pense à l'utiliser...) ajouter au plat du gari. Ce gingembre mariné permet de "remettre à zéro" les papilles gustatives pour une meilleure expérience de dégustation. J'ai déjà entendu dire que le rose était meilleur que le jaune mais ce n'est pas forcément vrai. Dans les établissements de luxe, on utilise de jeunes racines qui sont légèrement rosées et il est clairement de meilleur qualité mais plus cher et difficilement trouvable en Europe. Le gari plus économique est réalisé à partir de racines plus vieilles et donc naturellement jaunes. Pour imiter la couleur du gari de luxe, on le teinte avec du colorant alimentaire, quite à lui donner une couleur trop rose et peu naturelle. C'est ce gari là, jaune ou artificiellement rose, qu'on retrouve dans les restaurants et les magasins. Après, jaune ou rose, la qualité dépend juste du traitement du produit.
De la même manière, vous saviez que le wasabi qu'on trouve au resto ou en magasin n'est...absolument pas du wasabi ?
En effet, c'est lui aussi un produit de luxe a la production complexe qui doit être consommé immédiatement, ce qui empêche son usage de manière aussi courante. Cette pâte verte que vous avez sur votre plateau, c'est tout simplement...du raifort. Une racine très utilisée en Europe centrale jusqu'en Alsace pour remplacer la moutarde (en tout cas avant que la moutarde de dijon ne se répande partout) qu'on colore en vert pour lui donner l'apparence du wasabi. Mais vous savez quoi ? Même si ça n'a pas le même goût parait-il, le raifort accompagne très bien les sushis et il serait dommage de s'en priver. Alors pour payer moins cher, achetez en directement.
Ingrédients
- 500 g de riz à sushi (vous pouvez bricoler avec du riz gluant thaï ou autre mais ce sera moins bon, j'ai essayé)
- 150 g de thon congelé
- 150 g de saumon congelé
- 50 g d'oeufs de saumon (facultatif)
- 1 avocat bien mûr
- 1 càc de raifort
- 4 petite pincées de gari (gingembre mariné)
- 15 ml de sauce soja au dashi
- 1 càc rase de sel
- 1 càs rase de sucre
- 4 càs de vinaigre de riz (attention, si vous utilisez du "vinaigre a sushi" il est déja sucré et salé)
Réalisation
- Décongeler le poisson au frigo la veille.
- Cuire le riz dans une fois seulement son volume d'eau. Pour une tasse de riz, une tasse d'eau. C'est important.
- Une fois cuit, assaisonner avec les 4 cuillères à soupe de vinaigre de riz, la càs rase de sucre et la 1/2 càc de sel. Mélanger et laisser refroidir couvert d'un couvercle et/ou d'un torchon, directement dans un hangiri. C'est important de le faire quand le riz est encore chaud pour qu'il absorbe correctement le vinaigre.
- Une fois le riz froid, sortir le poisson du frigo. Le découper en tranches rectangulaires de pas plus de 5mm d'epaisseur. Mettre les chutes au frigo pour une éventuelle utilisation ultérieure.
- En fonction du service et de la presence d'un hangiri, servir le riz dans 4 bols (ou laisser dans le hangiri). Y rajouter les tranches de poisson en les disposant esthétiquement (mieux que moi, quoi).Trancher l'avocat en lamelles et le disposer également.
- Présenter avec les oeufs de saumon, le raifort râpé et le gari (que j'ai oublié alors que je l'avais acheté exprès), sans oublier la sauce soja au dashi dans une coupelle.
Je vous encourage à découper les tranches de manière plus propre que moi...
頂きます, Itadakimasu
Source : le site Comme Au Japon juste pour la préparation du riz vinaigré, parce que c'est très bien expliqué. Le reste, c'est juste du dressage. Ah, et oubliez la partie sur le lavage du riz.
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