
Difficulté : Intermédiaire
Préparation : Longue
Quantités : Pour 8 personnes (un peu compliqué de faire un petit kig ha farz pour deux, donc prevoyez plutôt des restes, si jamais)
Le kig ha farz est un des plats les plus emblématiques de la cuisine et de la culture bretonne. Pourtant, en ayant passé tous mes étés d'enfance dans l'Est de la Bretagne, je n'en avais jamais entendu parler.
C'est dû au fait que le kig ha farz est un plat du pays de Léon, à la pointe Nord-Ouest de la région, et qu'il est très répandu là-bas et vers Brest. Les restaurants traditionnels de l'Est se contentait généralement de galettes, crêpes et de spécialités locales comme les fruits de mer ou les pâtisseries. Ça à probablement un peu changé maintenant.
De tous les pot-au-feu et autres viandes et légumes en bouillon, c'est certainement mon préféré. Pas grâce à une richesse particulière du bouillon mais par les accompagnements originaux que sont le farz et la sauce lipig.
"Attend, le far breton c'est pas le gâteau aux pruneaux là ?"
En fait, "farz" est, comme dans beaucoup de langues et de cultures, un terme générique pour désigner une sorte de gâteau à base de farine. On peut le relier à la coca espagnole par exemple ou a la foccaccia italienne, qui désignent toutes deux des preparations sucrées ou salées. Mais contrairement à ces dernières, le farz désigne moins un type de pain qu'un genre de pudding. On a ainsi le farz fourn, le fameux far breton qui ressemble au flan, le farz buen, une sorte de pâte à crêpes épaisse cuite dans la poêle comme des œufs brouillés, ou encore le farz du kig-ha-farz. Ou plutôt devrais-je dire les farz. Ainsi, on est peut-être même plus proche du "bành" vietnamien qui désigne autant des brioches que du pain ou des nouilles.
Il existe en effet deux principaux type de farz pour bouillon, le farz blanc et le farz noir. De manière comparable aux crêpes et aux galettes bretonnes, la différence est dans la farine. Le farz blanc utilise du froment alors le farz noir utilise, vous l'aurez probablement deviné, du sarrasin. Le principe est de réaliser une sorte de pâte à crêpes riche et bien épaisse, un peu comme pour le farz buen, mais de la mettre dans un sac pour la cuire dans le bouillon. Vous pouvez soit acheter un sac fait pour, soit prendre une étamine très fine voir même bricoler un sac avec un tissu de lin en mettant les coutures a l'exterieur comme ça se faisait dans le passé. En Cornouailles on parlait même de farz poch ou farz mãnch semblerait-il quand on utilisait une poche de veste ou une vieille manche recousue.
Ce mode de cuisson est à relier à certaines vieilles pratiques alimentaires d'Ancien Régime limitées par les taxes sur l'utilisation des fours banaux. Au lieu de faire un pain maison au four, on préférait donc faire cuire la pâte ainsi. Quelques rares plats européens conservent encore également ce mode de cuisson, même si la pratique a malheureusement toujours eu tendance à disparaître depuis 200 ans. Le plat peut difficilement remonter plus loin que le XVème siècle, le sarrasin appelé blé noir décollant véritablement dans la region à cette période et le froment n'étant pas assez disponible sur l'ensemble des terres bretonnes.
Après ça et probablement très rapidement, le plat devient un vrai plat paysan utilisé pour nourrir les ouvriers agricoles, un peu comme la salade vigneronne.
Le farz noir est très probablement le premier à apparaitre, servi en tranches pour remplacer le pain ou émietté dans un plat pour mélanger au bouillon et à la sauce (farz brujun ou bruzhun). Le farz blanc apparait lui possiblement en même temps que l'industrialisation de la région qui rend les ressources plus disponibles. Il se sert également en tranches, soit directement à table, soit revenues dans le beurre pour les dorer (farz fritet). Vous pouvez ne choisir qu'un farz mais je fais généralement les deux car j'aime le farz noir mais mes invités l'apprécie rarement. Il ne faut pas s'attendre comme j'ai pu le lire a manger de la galette de sarrasin. La texture n'a rien de croustillant, le goût est moins gras et moins salé et le tout se rapproche plutôt une fois effrité au thiéré sub-saharien. Mais si comme moi vous aimez les céréales complètes et les goûts moins commun, alors je vous conseille d'essayer.
Pour le farz fritet par contre, en général tout le monde est fan !
Quand à la sauce d'accompagnement, elle n'est pas obligatoire et n'était faite dans le passé que pour les grandes occasions. Mais si vous tentez le kig ha farz pour la première fois c'est quasi nécessaire à mon sens. Du beurre salé fondu aux oignons confits en même temps, difficile de ne pas apprécier, et ça va relever le goût des autres ingrédients de manière fabuleuse. Par contre c'est la raison pour laquelle j'ai mis la recette en intermédiaire. Pas d'improvisation, au risque de finir avec un beurre clarifié et un fond de caséine, le tout étant beaucoup moins agréable.
Ingrédients
- ½ kg de jarret de porc
- 300 g de poitrine de porc
- 300 g de paleron de bœuf
- De la saucisse bretonne, paysanne ou de Montbéliard.
- 6 carottes
- 3 oignons
- 1 poireau
- 2 navets
- ½ chou vert
- 2 càs d'huile neutre ou de beurre clarifié
- Du beurre salé
Pour le farz noir :
- 100 g de farine de sarrasin
- 10 g de beurre salé
- 5cl de crème fraîche
- 1 œuf
- 1 càs de lait
- 1 càc de sel
- 1 càc de saindoux
Pour le farz blanc :
- 500 g de farine de froment
- 250 g de raisins secs
- 100 g de sucre en poudre
- 40 cl de crème fraîche
- 50 cl de lait
- 4 oeufs
Pour la sauce lipig :
- 6 oignons de Roscoff (ou 8 échalotes)
- 200g de beurre salé
Réalisation
- Éplucher les carottes, navets, oignons. Laisser les carottes et navets entiers, couper les oignons en deux, les piquer de quelques clous de girofle.
- Faire chauffer une très grande marmite à feu vif jusqu'à ce que le fond commence tout juste à fumer. Y mettre l'huile ou le beurre clarifié et faire dorer la viande, boeuf puis porc sauf les saucisses, sur tous les côtés.
- Réserver la viande, déglacer avec une petite quantité d'eau, y mettre un morceau de beurre salé et faire cette fois legerement dorer tous les légumes.
- Remettre la viande dans la marmite et couvrir d'eau à environ 5cm de plus que la hauteur des ingrédients. Couvrir et baisser a feu moyen/doux.
- Préparer la ou les pâtes à farz dans des saladiers avec un fouet ou dans un mixeur. La pâte doit être vraiment plus épaisse qu'une pâte à crêpes et même un peu plus qu'une pâte à pancake. Transférer dans les sacs à farz, la couture toujours à l'extérieur, et les plonger dans le bouillon en accrochant les ficelles du ou des sacs sur les poignées de la marmite. Couvrir le tout et laisser cuire pendant au moins 3h00.
- Après 3h00, y ajouter les saucisses et laisser cuire pendant 30 minutes supplémentaires.
- Au bout de 30 minutes, éplucher et émincer les oignons de Roscoff et les faire cuire à feu moyen/vif dans une petite casserole dans un morceau des 200g de beurre salé et une demi louche du bouillon. Couvrir et laisser suer les oignons pendant 5 à 10 minutes. Surveiller de temps en temps.
- Une fois qu'ils commencent à bien caraméliser, déglacer avec une demi louche de bouillon supplémentaire et ajouter le reste du beurre pour le faire fondre. Mélanger régulièrement au fouet. Une fois le beurre fondu, couper le feu et réserver.
- Sortir les farz et vérifier la cuisson du doigt. Si ils ont l'air fermes, c'est tout bon, sinon il faudra les laisser plus longtemps. Sans se brûler, sortir les farz de leurs sacs.
- Émietter le farz noir dans un bol avec une fourchette et découper le farz blanc en tranches d'environ 1 à 2 cm.
- Dans une grande poêle, faire revenir les tranches de farz blanc dans du beurre salé et une pointe d'huile neutre. Attention ça brûle très vite, comme du pain perdu. Les disposer dans un plat.
- Préparer de grands plats de services et y disposer la viande et les légumes. Servir le tout à table en remélangeant la sauce juste avant de servir, en la faisant un peu rechauffer si besoin, et en la transférant dans un bol avec une petite cuillère. Éviter la saucière, le beurre se raffermit assez vite. Accompagner avec du lait ribot, du cidre ou ce qui vous chante.

Kalon digor !
Qu'on pourrait maladroitement traduire par "que votre appétit soit ouvert"
Source : Le très bon site Recettes Bretonnes de Katell, d'où je puise la majorité des recettes de cette catégorie. J'ai juste un peu modifié les quantités et la réalisation.
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