Difficulté : Facile
Quantités : Pour 6 sandwichs, donc 6 personnes avec accompagnement ou 3 gourmands
Le croque-monsieur, le classique du sandwich parisien chaud qui s'exporte à l'internationale. Probablement plus connu hors de nos frontières que le jambon beurre.
Et son histoire est très compliquée et confuse.
La légende la plus reprise partout sur internet, c'est celle d'un restaurateur, Michel Lunarca, qui aurait un jour de 1910 été à cours de baguette et aurait pris du pain de mie comme substitut, en le grillant au four pour reproduire le croustillant de la baguette. Comme il aurait eu une réputation de cannibale à cause de restaurateurs jaloux de son succès, il aurait répondu à un client qui lui demandait l'origine de la viande : "c'est de la viande de monsieur", ce qui aurait donné son nom au plat.
C'est joli comme histoire hein ? Et c'est probablement entièrement faux, inventé et repris partout sans réflexion, un peu comme l'histoire des boulets sauce lapin ou pour la mousse au chocolat.
D'abord, parce que le croque monsieur est déjà cité comme tel avec sa recette dans la Revue Athlétique de 1891, 19 ans avant son "invention". La recette se retrouve aussi dans l'édition du 22 juin 1896 du journal La Liberté avec déjà la mention de "pain anglais" ou "à sandwich".
Ensuite, parce que tout ce qu'on trouve sur ce fameux Lunarca ce sont quelques mentions éparses cet article Wikipédia qui a tout d'un faux ou d'un assemblage mal vérifié. Je vous laisse regarder les sources douteuses ou manquantes, le portrait qui fait très faux, je trouve, et surtout l'aperçu d'article du Parisien de 1922, journal qui ne sera créé qu'en 1944...sans compter la mention de travail pour Anatole Deibler, célèbre bourreau parisien qui, à l'époque où il aurait soit disant employé Lunarca, avait certes des aides mais était généralement au chômage technique. Le président Jules Grévy, abolitionniste de la peine de mort, avait tendance à cette époque à gracier les condamnés. En tout cas, le nom de Lunarca n'apparait pas dans l'extrait gratuit du livre.
Enfin, parce qu'on ne trouve aucune référence à sa fameuse brasserie du Boulevard des Capucines en dehors de cette histoire. Aucune photo, aucune mention, rien. Bizarre pour un établissement avec autant de succès.
Bref, je ne nie pas entièrement l'existence de ce monsieur mais disons que j'en doute très fortement, jusqu'à preuve du contraire. Ce ne serait pas la première fois qu'on invente de toute pièce une origine très détaillée à un plat célèbre. Toujours est-il que le plat est cité dans un ouvrage de Marcel Proust de 1919 et qu'il semble déjà fort démocratisé. Et pour cause, le croque monsieur étant un petit bijou de simplicité réconfortante et savoureuse.
Oh, et j'ai aussi vu plusieurs sites attribuer l'origine du croque monsieur aux aborigènes d'Australie. Parce que, vous comprenez, ils mettaient leur viande chassée entre deux "galettes de pâte". L'Australie étant colonisée à la fin du XVIIIème siècle, après les premières traces de burgers allemands et sans compter l'évidente et ancienne tendance mondiale à manger de la viande sur ou dans du pain ou assimilé, je vous laisse réfléchir à la pertinence du propos...
Alors une fois n'est pas coutume, je vais noter ici deux recettes distinctes. Une première inspirée de la Revue Athlétique de 1891, et une autre plus rapide et un peu moins authentique comme les faisait la grand-mère de ma compagne. Pas de béchamel ici, c'est très sympa mais ça complique les choses et ça ne vaut pas à mon goût une bonne crème fraiche où juste un peu de lait en association avec le fromage. Et puis, c'est un ajout tardif et tout sauf systématique.
Ingrédients
Pour la version de 1891 à la poêle
- 12 tranches de pain (pas forcément de mie)
- 12 fines tranches de jambon
- 250 g de gruyère râpé (de l'emmental fera l'affaire à défaut de vrai gruyère)
- 2 càs de lait
- 1 càc de piment de Cayenne
- Assez de beurre pour tartiner toutes les tranches sur les deux faces
Pour la version plus moderne au four
- 12 tranches de pain de mie
- 12 fines tranches de jambon
- 6 tranches de fromage en tranches
- 125 g d'emmental râpé
- 1 càs de lait
- 25 cl de crème fraiche
Réalisation
Pour la version de 1891 à la poêle :
Du lait ? Mais pourquoi faire, on fait pas de pain perdu là ?
Non, en effet ce n'est pas pour le pain, et les plus curieux auront vu que ce n'est pas dans les ingrédients mentionnés dans la Revue Athlétique. En fait, le lait doit être mélangé au fromage râpé. Ça va lui permettre de rester crémeux et de ne pas sécher trop vite au four.
Le piment (ou poivre) de Cayenne n'est pas indispensable et vous pouvez remplacer par du poivre ou ne rien mettre, mais je vous conseille d'essayer.
- Mélanger le fromage et le lait et laisser absorber.
- Beurrer l'intérieur et l'extérieur de chaque tranche de pain.
- Mettre les 6 premières tranches à plat, puis rajouter le jambon, du fromage rapé mélangé au lait, une pincée de poivre de Cayenne et refermer avec la dernière tranche. Ne pas hésiter à appuyer et compacter le tout, il vaut mieux que le surplus parte maintenant que dans la poêle.
- Dans une poêle à feu moyen/fort avec une pointe d'huile ou mieux, du beurre clarifié, faire dorer les croques en retournant régulièrement et en surveillant. Quand ils sont dorés et que le fromage est fondu, c'est prêt.
La version de 1891 avec une miche de pain complet tranchée
Pour la version plus moderne au four, le processus est quasi identique :
- Mélanger le fromage et le lait et laisser absorber.
- Mettre une couche de crème fraiche sur chaque tranche de pain.
- Préchauffer le four à 180 degrés chaleur tournante.
- Mettre les 6 premières tranches à plat, puis rajouter le jambon, la tranche de fromage, une pincée de poivre de Cayenne et refermer avec la dernière tranche. Vous pouvez aussi compacter un peu mais pas de zêle. Si du surplus part sur la plaque du four, c'est moins gênant.
- Mettre les croques sur une plaque de cuisson protégée par du papier cuisson ou équivalent. Après 15 minutes ou quand ils sont dorés et que le fromage est fondu, c'est prêt. Pour en faire un croque madame, il suffit de faire cuire un œuf au plat dans assez de matière grasse et de le rajouter au sommet du sandwich avant de servir.
La version plus moderne gratinée au four
Une version plus moderne également, mais avec du pain de mie fait maison
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