
Difficulté : Facile
Quantités : pour 4 personnes
La soupe au chou, ce plat iconique du monde rural immortalisé au cinéma par le film de Jean Girault et, accessoirement, pas le roman moins connu qui l'a inspiré.
Ce n'est pas pour rien qu'elle est devenue une sorte d'emblème de la vie paysanne partout dans le monde. C'est un légume très répandu et depuis fort longtemps, facile à cultiver et relativement nourissant.
De nos jours elle a été à l'origine d'un étrange régime anglo-saxon qui certifie une rapide perte de poids en se nourissant exclusivement de cette soupe. Le légume est sensé "stimuler l'amaigrissement en régulant le métabolysme du sucre et des graisses" et blablabla. Rien de prouvé scientifiquement, à part le fait que le chou est peu calorique et fait en effet perdre du poids sans autres apports pour l'accompagner. Mais bon courage pour conserver ce régime et surtout une bonne santé en ne mangeant que ça.
Avant l'arrivée de la patate en Europe, c'était le légume de base par excellence que consommaient toutes les strates de la société, et surtout les plus pauvres. Cela lui a souvent donné une réputation d'aliment bas de gamme et inintéressant. Et pourtant, comme le montre cette recette médiévale, il n'a jamais été uniquement réservé aux couches sociales basses. Déjà parce que le Carême faisait souvent manger aux plus riches des aliments plus sobres comme démonstration d'humilité. Ensuite, et ce n'est que mon avis, parce que les choux ont un goût unique qui se révèle assez réconfortant quand ils sont bien préparés.
En tout cas, cette soupe au chou du XIVème siècle est une assez bonne manière de s'initier à la cuisine médiévale. Elle est simple mais initie à l'utilisation presque abusive de safran à cette période ainsi que l'utilisation courante mais très intéressante de "poudre fine" ou "poudre douce". Ce mélange d'épices, à dissocier de sa consœur la "poudre forte", était utilisé dans de nombreuses recettes et les différents livres de cuisine du XIVème siècle ont presque tous leur variante.
Contrairement à ce qu'on avance souvent, la cuisine médiévale n'est pas qu'une suite de plats dont on cache le goût des aliments par les épices. Déjà parce que vu le prix des épices a l'époque, personne ne pousse l'absurdité jusqu'à camoufler des ingrédients de piètre qualité avec. Comme avec les cuisines africaines et asiatiques modernes, les épices servaient avant tout à sublimer les produits. Cette vision issue de la période moderne et du renouveau de la cuisine française masque injustement les subtilités de cette cuisine, aux goûts parfois très simples et efficaces.
Alors bien sûr, une autre utilité des épices à l'époque est de montrer l'étendue de ses moyens financiers, et comme les livres étaient chers à produire les recettes inscrites dessus ne reflètent souvent que les habitudes des plus riches. Ainsi, il n'était probablement pas rare d'agrémenter des plats vus comme trop pauvres d'ajouts extravagants, comme ici avec le safran.
Ici, je ne vais pas donner deux recettes comme parfois mais simplement des options à rajouter pour passer d'un plat de pauvre paysan à un plat de riche noble. Pour le safran, si vous n'avez pas les moyens, oubliez. Ce n'est clairement pas une saveur dominante de toute façon. Pour la poudre fine par contre, c'est vraiment un ajout très intéressant. Mais par contre, je vous déconseille l'utilisation de bouillon de légume. Autant ça rendrait la recette végétalienne, ce qui est très chouette, autant je trouve que le chou est très fade avec un tel bouillon et tellement plus puissant et complexe une fois secondé par un bouillon de boeuf. En période de Carême, à l'époque, ça n'aurait clairement pas été mon choix privilégié.
Oh, et petit cadeau ci-dessous, pour les lecteurs de vieil anglais, la recette originale du Form of Cury :
"Take caboches & quarter hem & seeþ hem in gode broth wiþ oynouns ymynced & þe white of lekes yslyt & ycorue smale; & do þerto safroun and salt & force hit wiþ poudour douce".
Bon déchiffrage !

Ingrédients
Pour la poudre fine (optionnel) :
- 2 càc cannelle en poudre
- 1 càc de gingembre en poudre
- 4 clous de girofle
- 1 càc de maniguette (ou poivre noir à défaut)
- 2 càc de sucre de canne en pain (ou cassonade à défaut)
Pour la soupe :
- 1 chou blanc ou frisé
- 1 gros oignon
- 2 blancs de poireau
- 1 L de bouillon de viande non salé (porc si possible, sinon poulet ou bœuf)
- 1 càc de sel
- (Optionnel) 40 filaments de safran
- (Optionnel) 4 càc de poudre fine
Réalisation
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Optionnel) Faire infuser la veille les filaments de safran dans de l'eau chaude. Réserver hermétiquement.
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(Optionnel) Réaliser la poudre fine en broyant les clous de girofle et le poivre, en râpant le pain de sucre et en mélangeant le tout.
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Nettoyer les blancs de poireau, les couper en deux dans la longueur et les émincer. Le mettre dans une cocotte.
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Éplucher et émincer l'oignon et le rajouter à la cocotte.
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Faire revenir à feu vif avec un peu de saindoux ou de gras de bœuf, voir du beurre.
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Découper le chou en quartiers.
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Lorsque les oignons sont translucides, ajouter le bouillon non salé, le sel et les morceaux de chou. Porter à ébullition.
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Baisser le feu et laisser frémir au moins 20 minutes.
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(Optionnel) Ajouter le safran infusé, mélanger, garder quelques filaments pour décorer et laisser cuire 15 minutes supplémentaires.
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Quand le tout vous parait suffisamment cuit, servir
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(Optionnel) Soupoudrer chaque bol d'une càc de poudre fine.

Source : les sites Recettes Mediévales pour la poudre fine et Modern Medieval Cuisine, en anglais, pour la recette traduite du Form of Cury.
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